L’année 2025 marque un tournant décisif pour l’Europe, alors que la région est confrontée à des États-Unis imprévisibles et à une alliance Chine-Russie de plus en plus affirmée. Dans ce contexte volatile, le vieux continent a besoin d’une stratégie de couverture pragmatique, à la fois en renforçant sa force de défense et en faisant preuve de flexibilité diplomatique pour protéger ses intérêts et maintenir sa position sur la scène internationale.
Capture d'écran de l'article sur la diplomatie moderne. |
Les commentaires ci-dessus proviennent du chercheur Shiwen Yap (*) dans l'article « La stratégie de couverture de l'Europe dans un ordre mondial en mutation » publié dans Modern Diplomacy le 8 mars.
La situation est très instable.
Selon M. Shiwen Yap, l’Europe est confrontée à un contexte géopolitique complexe.
Les tensions dans les relations transatlantiques se sont accrues avec le retour du président américain Donald Trump à la Maison Blanche. Dans le même temps, le partenariat de plus en plus étroit entre la Russie et la Chine menace directement la sécurité régionale. Dans ce contexte, le « vieux continent » est contraint d’appliquer une stratégie de prévention à multiples facettes pour protéger ses intérêts et maintenir son influence sur la scène internationale.
M. Shiwen Yap a souligné que la campagne militaire de la Russie en Ukraine a modifié la structure de sécurité européenne de l'après-guerre froide, alors que l'administration du président Vladimir Poutine s'oriente vers une économie qui s'adapte au conflit.
Pendant ce temps, les relations entre les États-Unis et l’Europe, sous le second mandat du président Donald Trump, sont confrontées à de nombreux défis, allant de la menace de droits de douane de 25 % sur des alliés comme le Canada et le Mexique aux engagements de plus en plus remis en question envers l’OTAN. Cela soulève des inquiétudes quant à la fiabilité de l’Amérique.
Ces fluctuations sont d’autant plus inquiétantes compte tenu de l’histoire de la coopération transatlantique. L’Europe ne voit plus Washington comme un véritable « allié », mais seulement comme un « partenaire indispensable », obligeant le continent à se préparer à l’éventualité que les États-Unis réduisent ou limitent leur soutien, notamment en matière de sécurité.
Dans le même temps, les relations entre la Chine et la Russie se renforcent. M. Shiwen Yap a décrit cela comme une « alliance sans limites ». Un rapport de janvier 2025 du Council on Foreign Relations (CFR) a indiqué que Pékin et Moscou intensifiaient leur coopération dans des domaines clés tels que l’IA, le commerce et l’assistance militaire. La Chine devient notamment une « bouée de sauvetage » économique pour la Russie face aux pressions des sanctions occidentales.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président du Conseil européen Antonio Costa (à gauche) et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors du sommet spécial de l'UE à Bruxelles, en Belgique, le 6 mars. (Source : Reuters) |
Axe Chine-Russie
M. Shiwen Yap a souligné que le partenariat sino-russe est transactionnel, mais qu’il subsiste de nombreuses tensions sous-jacentes, notamment des conflits historiques et des différends frontaliers.
Malgré leurs différences, il n’est pas facile de distinguer les relations sino-russes de l’extérieur, car toutes deux sont focalisées sur les défis posés par l’Occident. Actuellement, les relations entre les deux pays sont à leur plus proche niveau depuis la guerre froide, tandis que les États-Unis et la Russie sont toujours en proie à de profonds conflits.
Selon M. Yap, la Chine et la Russie sont bien conscientes des menaces que l’Occident fait peser sur leurs intérêts vitaux et comprennent que si elles agissent seules, elles se retrouveront facilement en position de faiblesse.
Une réconciliation rapide entre Washington et Moscou est donc quasiment impossible, surtout lorsque les relations bilatérales sont entachées de contradictions historiques et manquent de motivation pour changer.
Dans l’ensemble, la probabilité que les États-Unis et la Russie forment une alliance pour contrer la Chine est très faible, compte tenu de la complexité de leurs liens économiques, historiques et géopolitiques.
À l’inverse, les deux pays sont également rivaux dans de nombreux domaines économiques importants, notamment celui de l’énergie. Cette différence rend difficile pour les deux parties de trouver un terrain d’entente pour former une alliance stratégique.
Gérer les relations avec les États-Unis
Selon M. Shiwen Yap, pour faire face à l’instabilité actuelle, l’Europe doit appliquer une stratégie à plusieurs volets, en équilibrant autonomie et coopération internationale. En particulier, dans le contexte de la menace de plus en plus claire de la Russie et du risque de voir les États-Unis réduire leur engagement en matière de sécurité, la priorité absolue du continent est de renforcer ses capacités de défense.
Le rapport de Bruegel , Défendre l'Europe sans les États-Unis, souligne que si les États-Unis se retirent, l'Europe sera obligée de renforcer son armée pour éviter un conflit avec la Russie. Concrètement, le vieux continent a besoin de 300 000 soldats supplémentaires et d’une augmentation d’au moins 250 milliards d’euros par an pour le budget de la défense.
Malgré les bouleversements, l’Europe doit continuer à coopérer avec les États-Unis pour garantir un niveau minimum de connectivité. (Source : Centre de politique européenne) |
L’auteur de l’article soutient que pour atteindre cet objectif, l’Europe doit investir dans une technologie militaire avancée, développer la production de munitions et améliorer la coordination entre les pays de l’UE.
Cependant, promouvoir l’intégration de la défense et renforcer la puissance militaire n’est pas simple, car la région est toujours confrontée à d’importants obstacles politiques et de transport.
Les États membres doivent également surmonter les réticences historiques à partager la souveraineté dans le domaine de la sécurité pour promouvoir la coopération en matière d’approvisionnement en matière de défense, organiser des exercices conjoints et développer des capacités militaires synchronisées.
Les divergences de politique étrangère à l’égard de la Chine continuent d’entraver les efforts de l’UE visant à unifier sa stratégie. L’Europe doit néanmoins maintenir des liens minimaux avec les États-Unis, en profitant de l’OTAN et des mécanismes transatlantiques pour traiter avec l’axe Chine-Russie.
Pour maintenir Washington dans le droit chemin, l’UE pourrait être amenée à faire des concessions sur ses intérêts économiques et sur la coopération mondiale. Toutefois, le continent est également confronté au risque de voir les États-Unis déplacer leur attention vers la concurrence avec Pékin, ce qui compromettrait son engagement envers l’Europe.
En outre, Bruxelles doit se préparer au risque d’une guerre commerciale avec les États-Unis. Cela nécessite une stratégie à multiples facettes pour protéger les intérêts et maintenir l’influence internationale.
Selon M. Shiwen Yap, l'UE doit habilement ajuster sa politique envers les États-Unis, prête à faire pivoter la coopération de la sécurité vers l'économique et la technologie ou vice versa, en fonction des priorités de l'administration de la Maison Blanche.
Faire face au « dragon asiatique »
La relation entre l’Europe et la Chine est de plus en plus complexe, caractérisée à la fois par une dépendance économique et une rivalité stratégique. Selon M. Shiwen Yap, les tensions se sont accrues depuis que l’UE a adopté en 2019 une stratégie en trois volets, combinant partenariat, concurrence et rivalité systémique.
La situation s’est aggravée lorsque Pékin a été perçu comme soutenant la Russie dans le conflit ukrainien et poursuivant une politique étrangère conflictuelle avec l’Occident. Face à cette réalité, l’UE doit réévaluer son approche à l’égard de la Chine, en remplaçant l’ancienne stratégie par une approche plus flexible pour s’adapter aux défis futurs.
Le président chinois Xi Jinping et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen lors d'une rencontre en juin 2023. (Source : Ministère chinois des Affaires étrangères) |
Face aux défis géopolitiques, l’Europe a besoin d’une approche plus pragmatique face à la Chine, combinant une stratégie de « coexistence » et de « réduction des risques ». Cela comprend l’élargissement des liens avec des partenaires tels que l’Australie, l’Inde, le Japon, l’ASEAN et la réduction de la dépendance vis-à-vis de Pékin dans des domaines clés tels que l’énergie et la transformation numérique.
Bien que ce processus soit engagé, l’UE doit encore trouver un équilibre entre la diversification de ses partenaires et la prévention des conflits inutiles. L’autonomie européenne doit se démontrer par des actions concrètes, allant des investissements militaires à une politique étrangère cohérente.
Dans le même temps, le vieux continent a toujours besoin de maintenir ses liens transatlantiques, quel que soit le président qui dirige la Maison Blanche.
En équilibrant l’autonomie et la construction de partenariats sélectifs, l’Europe peut protéger ses intérêts et maintenir son rôle dans un ordre mondial de plus en plus fragmenté. Le succès de cette stratégie déterminera si l’Europe deviendra un acteur indépendant et résilient ou si elle sera marginalisée géopolitiquement.
(*) M. Shiwen Yap est un chercheur indépendant et un investisseur en capital-risque à Singapour, spécialisé dans le développement de marché et la stratégie commerciale pour les startups en phase de démarrage et les petites et moyennes entreprises (PME). Il possède une expertise dans la mise en œuvre de stratégies de mise sur le marché et dans l’analyse de l’impact des problèmes mondiaux sur les opérations commerciales.
Source : https://baoquocte.vn/nga-re-nao-cho-chau-au-trong-mot-the-gioi-day-bien-dong-306986.html
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