José Adolfo Macias, le chef d'un célèbre gang de trafiquants de drogue équatoriens, vit dans une prison dotée d'une salle de bain, d'un réfrigérateur, d'un lit king-size et d'une cour pour les coqs de combat.
"La vie ici est plus confortable qu'à la maison, comme celle d'un roi", s'exclame un soldat équatorien dans une vidéo de la cellule du baron de la drogue José Adolfo Macias à La Regional, l'une des plus grandes prisons du pays.
Dans la salle est accroché un portrait de Macias, alias Fito, le chef du cartel de la drogue Los Choneros qui s'est évadé de prison en janvier. Une fresque murale porte le slogan « Prends de l'argent ou fais-toi tirer dessus », apparemment destiné à menacer les gardiens de prison qui préfèrent accepter des pots-de-vin ou se faire tirer dessus.
À l'intérieur de la cellule de Macias à la prison régionale. Vidéo : CNN
La cellule dispose d'une salle de bain privée, d'un lit king-size et d'un réfrigérateur. À l'extérieur se trouve une cour herbeuse remplie de cages pour les coqs de combat, et il y a même un grand aquarium pour répondre au besoin de nourriture fraîche de Macias.
Selon les experts, la vidéo ci-dessus montre qu'au lieu d'être un lieu de punition, le système pénitentiaire équatorien est devenu une « base » pour des groupes criminels comptant un grand nombre de membres et une grande influence dans tout le pays. En moins d’une décennie, le crime organisé a transformé ce pays autrefois paisible en l’un des plus dangereux d’Amérique latine.
Les massacres dans les prisons en Équateur sont devenus plus fréquents ces dernières années, faisant des centaines de morts. Lors d’une émeute dans une prison à la fin de l’année dernière, des membres de gangs ont kidnappé plus de 130 gardiens et membres du personnel administratif de plusieurs prisons.
"Les groupes criminels ont un contrôle total sur la prison. C'est pourquoi Fito jouit d'une vie confortable, avec la télévision, Internet, la nourriture, l'alcool, les femmes... tout ce qu'il veut en prison", a déclaré Jean Paul Pinto, un expert en sécurité équatorien qui a conseillé la police et les services de renseignement du pays.
Les experts affirment que c'est également la raison pour laquelle Macias a pu s'échapper de la prison de La Regional lors d'une évasion qui a attiré l'attention du monde entier et déclenché une vague de violence à travers le pays.
Il y a dix ans, l’Équateur a commencé à perdre le contrôle de ses prisons. Selon Glaeldys Gonzalez, experte en crime organisé à l'International Crisis Group, une série d'erreurs commises par des dirigeants successifs a permis à la criminalité de prospérer dans le système pénitentiaire.
Ces erreurs, notamment les transferts massifs de prisonniers destinés à démanteler des gangs criminels, se sont retournées contre eux, permettant même à ces derniers d’étendre leur influence dans les systèmes pénitentiaires à travers le pays. La politique consistant à détenir un grand nombre de prisonniers aide également les gangs à recruter de nouveaux membres directement en prison. Avec 30 000 membres à travers le pays, de nombreuses organisations criminelles peuvent utiliser leur influence en dehors des barreaux pour contrôler le personnel pénitentiaire.
« Les membres des gangs intimident le personnel pénitentiaire, exigeant qu'ils se livrent à des activités illégales, sinon leurs familles et leurs proches seront menacés », a déclaré Julio Cesar Ballesteros, ancien directeur adjoint de l'administration pénitentiaire équatorienne (SNAI) et sous-secrétaire à la réhabilitation sous l'ancien président Lenin Moreno.
Le baron de la drogue Macias est escorté à la prison de The Rock le 12 août 2023. Photo : AFP
La corruption est endémique parce que les gardiens de prison sont sous-payés, surchargés de travail et ont de mauvaises conditions de travail. Les prisons surpeuplées et le nombre insuffisant de gardiens alimentent également la violence. Les prisonniers ont déclaré qu’ils devaient dormir dans le couloir sans couvertures ni matelas. Selon le SNAI, le nombre de détenus dans les prisons équatoriennes a dépassé la capacité d'accueil d'environ 4 000 personnes l'année dernière.
Ballesteros a souligné que les groupes du crime organisé « contrôlent tout » en prison. « Les prisons ne sont plus gérées par l'État, mais contrôlées de l'intérieur par des criminels. De nombreux fonctionnaires sont menacés ou victimes de chantage, ce qui les oblige à fermer les yeux et à tolérer des activités illégales », a-t-il déclaré.
Une enquête menée en 2023 par la ministre équatorienne de la Justice, Diana Salazar, a révélé qu'un délinquant incarcéré pour trafic de drogue prévoyait de soudoyer le personnel pénitentiaire à hauteur de 3 000 dollars pour faire venir des porcs pour une fête à l'occasion de la « Journée du prisonnier ». Il a envoyé un texto à l'extérieur, se vantant : « Je suis le directeur ici ».
« Le système pénitentiaire latino-américain est devenu un centre de formation et le siège de certaines des organisations criminelles les plus puissantes des Amériques. Il n'est donc pas surprenant qu'il se développe en Équateur », a déclaré Jeremy McDermott, cofondateur de l'InSight Crime Institute.
On ne sait pas grand-chose de la vie de Macias avant qu'il ne devienne un criminel. Il était blanchisseur d'argent pour le gang Los Choneros, puis a profité des luttes internes de 2020 pour accéder à la position de leader. Pendant que ce gang était en proie à des troubles, une autre organisation criminelle appelée Los Lobos est apparue pour prendre le contrôle du trafic de drogue en Équateur.
De nombreuses questions ont été soulevées concernant le style de vie somptueux de Macias en prison, notamment pourquoi il n'a pas été détenu dans une prison à sécurité maximale.
En annonçant les sanctions contre Macias au début du mois, le département du Trésor américain a déclaré qu'il « avait accès aux téléphones portables et à Internet pour continuer à diriger les activités du gang et à diffuser des informations ».
Le style de vie princier de Macias n’est pas un secret. Le baron de la drogue avait autrefois organisé une somptueuse fête pour son 42e anniversaire en prison, avec gâteau, feux d'artifice et spectacles de chanteurs.
Carte du complexe pénitentiaire de Guayaquil. Graphiques : CNN
En décembre 2023, le nouveau président équatorien, Daniel Noboa, a plaisanté lors d'une interview à la télévision nationale en disant que la cellule de Macias avait « plus de prises électriques qu'une chambre d'hôtel Marriott ». Interrogé sur les mesures prévues par le gouvernement, M. Noboa a répondu : « Oui, mais ne le dites pas à Fito. »
Le gouvernement équatorien avait prévu de transférer Macias dans une prison de sécurité renforcée, mais le baron de la drogue aurait été prévenu et s'est évadé en janvier. Pendant ce temps, sa femme et ses enfants ont fui vers l'Argentine et ont vécu dans une maison nouvellement achetée dans la ville de Cordoba.
"Nous émettons l'hypothèse qu'il a acheté la maison à l'avance, a fait sortir sa famille d'Équateur et s'est ensuite évadé de prison", a déclaré la ministre argentine de la Sécurité, Patricia Bullrich. L'épouse et les enfants de Macias ont été expulsés deux semaines après leur arrivée en Argentine.
On ne sait pas encore comment Macias s’est évadé de prison. Immédiatement après l'annonce de l'évasion du baron de la drogue, des violences ont éclaté dans tout l'Équateur, obligeant le président Noboa à déclarer l'état d'urgence le 8 janvier.
Cette situation a forcé le président Noboa à déclarer la guerre aux gangs qu'il a qualifiés d'« organisations terroristes de trafiquants de drogue » et qui reçoivent le soutien de gangs criminels étrangers. L'Équateur mène une répression à grande échelle, déployant l'armée pour soutenir les forces de police et arrêtant plus de 5 000 personnes.
Les experts se demandent si le déploiement d'une intervention militaire est une solution à long terme, étant donné que les causes profondes du problème de l'Équateur sont la corruption systémique, la faiblesse des institutions étatiques et sa situation géographique parmi les plus grands pays producteurs de drogue au monde.
Après l'évasion de Macias, l'armée équatorienne a déployé des soldats pour monter la garde à l'extérieur de la prison de La Regional. Pour lutter contre la criminalité des gangs, le président Noboa s’est engagé à construire davantage de prisons.
Hong Hanh (selon CNN )
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