(CLO) Le renversement du régime d'Assad par l'opposition soutenue par Ankara et l'établissement d'un gouvernement de transition ont permis à la Turquie de commencer à renforcer sa position géopolitique et son influence dans la région. Il n’est cependant pas facile pour la Turquie de récolter le « butin de guerre ».
Les ambitions de la Turquie
Le « butin » ici pourrait être les territoires du nord de la Syrie (Alep étant le cœur économique du pays), la résolution de la question kurde, la consolidation des positions au Moyen-Orient et bien sûr la construction d’un gazoduc du Qatar à travers l’Arabie saoudite, la Jordanie, la Syrie et la Turquie vers l’Europe.
En fait, la construction d'un gazoduc du Qatar via l'Arabie saoudite, la Jordanie, la Syrie et la Turquie vers l'Europe, recherchée par l'administration du président turc Erdogan depuis les années 2000, pourrait réduire considérablement la dépendance de l'Union européenne (UE) au gaz russe et constitue une démarche géopolitique et économique sérieuse.
Car pour Ankara, cela constituera une source importante de revenus puisqu’elle acquiert un avantage sur Bruxelles ; Dans le même temps, elle peut utiliser cet effet de levier bien plus efficacement que l’Ukraine. La Turquie reçoit non seulement de l’argent des poches des pays européens, mais peut également « négocier » avec ces pays l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE). Ou encore la question de la protection de la communauté turque en Allemagne et dans d’autres pays européens.
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Cependant, dans les années 2000, le président syrien Bachar el-Assad a contrecarré les ambitions géopolitiques de la Turquie. Le gouvernement de Damas a refusé de laisser passer le gazoduc sur son territoire, car les analystes ont déclaré que la décision de M. Assad était compréhensible pour protéger les intérêts de la Russie (qui est le principal fournisseur de gaz de l'Europe et réduit la concurrence du gazoduc du Qatar) et de l'Iran (qui veut également envoyer son gaz vers l'Europe).
D’autres opinions affirment que le refus de l’ancien régime de Damas est l’une des raisons pour lesquelles la Turquie intensifie sa guerre par procuration pour renverser le président Assad et accroît son soutien aux Forces nationales syriennes (SNA).
Maintenant que les groupes d’opposition, dont l’ANS soutenue par la Turquie, ont renversé le régime d’Assad et accéléré le processus de transition politique, cela a créé une opportunité favorable pour Ankara d’exploiter le « butin de guerre » en Syrie.
Des obstacles difficiles à surmonter
Cependant, selon le professeur associé Gevorg Mirzayan, de la Faculté des sciences politiques de l'Université financière du gouvernement russe, il ne sera pas facile pour l'administration du président turc Erdogan de réaliser le projet de construction d'un gazoduc à travers la Syrie. Cela vient des raisons suivantes :
Premièrement, la question de la stabilisation de la Syrie pour mener à bien la construction du gazoduc constitue le plus grand obstacle. Les dissensions et les conflits d’intérêts entre les forces qui prétendent participer à la division de l’héritage du régime Assad sont énormes : entre sunnites et chiites, Kurdes et Turcs, Alaouites et Druzes, hommes politiques laïcs et fondamentalistes islamiques, entre modérés et radicaux.
Photographie graphique (source : Barrons, AFP, WS)
La coalition disparate contre le régime d’Assad sera difficile à maintenir après son éviction. Aucune force ne peut donc garantir la sécurité de la construction et surtout du fonctionnement du gazoduc, à l’instar de ce qui s’est passé en Libye. Dans de telles conditions, personne n’investirait des milliards de dollars dans la construction de pipelines.
Deuxièmement, le Qatar exporte actuellement du gaz par pétrolier vers l’Asie de l’Est et d’autres marchés partenaires – et il a investi massivement pour accroître ces exportations, notamment dans la construction d’installations de liquéfaction.
Envoyer du gaz par gazoduc (bien que moins cher) vers l’Europe signifierait supprimer une partie de ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) et ferait généralement baisser les prix mondiaux du gaz. La marge bénéficiaire du Qatar ne vaut donc pas grand-chose.
Théoriquement, le Qatar pourrait accepter les pertes ci-dessus, si la Turquie offrait des conditions appropriées. La diversification des voies d’approvisionnement en gaz intéresse également certains dirigeants qataris. Mais cela soulève un autre obstacle, qui vient de l’Arabie saoudite, où le pipeline est le plus long.
En fait, les relations entre l’Arabie saoudite et le Qatar ont toujours été confrontées à des difficultés et à des défis. Les conflits géopolitiques, les relations personnelles complexes entre les dirigeants des deux pays, les points de vue différents sur l’islam et les groupes terroristes au Moyen-Orient ont conduit à des conflits et des désaccords, culminant avec la crise du Golfe de 2017 à 2021.
Les champs pétroliers en Syrie sont détenus par de nombreuses parties. Photo : Internet
Bien que la crise diplomatique ait été résolue, rien ne garantit que l’Arabie saoudite ne répétera pas l’ancienne approche, car les conflits et les désaccords entre les parties existent toujours. Il sera donc difficile d’exploiter un gazoduc important, voire stratégique, entre le Qatar et l’Arabie saoudite.
Troisièmement, les Américains ne sont pas non plus satisfaits du plan turc. Dans les années 2000, les États-Unis ont activement soutenu tout projet visant à « diversifier » les approvisionnements en gaz russe de l’Europe au détriment d’autres fournisseurs.
Mais la situation est différente aujourd’hui. Les États-Unis ne veulent certainement pas que d’autres sources d’approvisionnement menacent la « domination » des entreprises américaines sur le marché européen du GNL. Le Qatar devra également prêter attention à l’attitude américaine. Après tout, le rôle des États-Unis dans l’environnement sécuritaire de ce pays est bien plus important que celui de la Turquie.
De toute évidence, compte tenu des obstacles mentionnés ci-dessus, il n’est pas facile pour l’administration du président Erdogan de réaliser son projet de construction d’un gazoduc à travers la Syrie, réalisant ainsi ses ambitions géopolitiques et économiques.
Hung Anh
Source : https://www.congluan.vn/tho-nhi-ky-gap-kho-trong-khai-thac-chien-loi-pham-o-syria-post327170.html
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