Émeutes en France : une économie criblée de dettes, une fenêtre d'opportunité étroite pour le président Macron. (Source : Getty Images) |
Au cours des émeutes, des milliers de personnes ont été arrêtées, environ 6 000 voitures ont été incendiées ou détruites et d’innombrables magasins ont été pillés ou vandalisés.
Les manifestations sont devenues une « spécialité » des Français, elles se produisent tout le temps, des petites choses aux grands enjeux nationaux. Même les Français admettent avec humour que « nous sommes les champions de la contestation ».
Les sites de voyage français ou les sites d'étudiants internationaux ont tous des sections supplémentaires conseillant aux gens de se préparer mentalement ou d'avoir des plans de secours pour les mauvaises situations qui peuvent survenir soudainement.
Selon le professeur d'histoire Michel Pigenet, la violence lors des manifestations n'est pas une tradition française typique, mais il constate que la violence lors des manifestations continue d'augmenter et devient plus dangereuse depuis 2000.
La tristesse de la France
Si les manifestations qui ont suivi la mort de l'adolescent Nahel M. ont révélé une société française toujours en émoi, les centaines de manifestations et d'émeutes des premiers mois de 2023 contre la loi visant à relever l'âge de la retraite à 64 ans ont montré une France en difficulté économique.
La deuxième économie européenne croule sous les dettes. Bien sûr, les émeutes ne vont pas ruiner l’économie du pays, mais il s’agit d’un tournant.
Il reste à voir combien de temps dureront les pires émeutes, ou si la violence est susceptible de revenir, comme les Français l’ont vu en 2005. Cependant, une chose est sûre et claire : les cocktails Molotov et les cocktails Molotov font payer un lourd tribut à l’économie française.
Selon les données du ministère de l'Intérieur, au plus fort de la crise, 1 500 voitures étaient incendiées chaque nuit. Même lors d’un dimanche « calme », le nombre de véhicules vandalisés se compte encore par centaines. Environ 500 bâtiments ont été incendiés jeudi soir.
Les premières estimations des compagnies d'assurance évoquent des dégâts pouvant atteindre 100 millions d'euros. Mais bien sûr, la « facture » finale sera bien plus élevée. Les commerces sont restés fermés tout le week-end, y compris le long des Champs-Élysées.
Les couvre-feux nocturnes et les restrictions de voyage auront un impact considérable sur les entreprises de restauration. Et dans de nombreux pays, dont le Royaume-Uni, les gouvernements ont émis des avis de voyage, avertissant les touristes de ne pas se rendre en France pendant la haute saison estivale.
C'est remarquable, sachant que la France est la première destination touristique mondiale, où le tourisme représente 10 % du PIB. Le « coût total » des troubles actuels dépendra de la durée des émeutes, plus elles dureront, plus la situation empirera.
Une économie qui n’est plus soutenable
Par le passé, les gouvernements français ont « acheté » les troubles civils en augmentant les dépenses publiques. Après trois semaines d’émeutes en 2005, à leur apogée, l’ancien président Nicolas Sarkozy avait promis un « Plan Marshall » pour les banlieues, avec des milliards de dollars consacrés à l’amélioration du logement et des transports.
À la suite des manifestations des « gilets jaunes » en 2019, le président Macron a réduit les taxes sur les carburants et augmenté les subventions pour apaiser la frustration des manifestants qui se trouvaient principalement dans les zones rurales.
Les observateurs prédisent que, dans les jours à venir, nous pourrons probablement nous attendre à entendre parler d’engagements de dépenses importantes pour « résoudre » la crise.
Mais le problème est que Paris se trouve dans une impasse lorsqu’il s’agit de trouver une issue à cette catastrophe. Au cours de la dernière décennie, leur situation financière s’est considérablement détériorée. Le Royaume-Uni est peut-être dans une situation désespérée, mais la situation de la France est encore pire. Le ratio dette totale/PIB de la France atteint 112 % du PIB, contre 100 % au Royaume-Uni et 67 % en Allemagne. En outre, ce phénomène devrait continuer à augmenter au cours du reste de la décennie.
Le déficit budgétaire devrait atteindre 4,7 % du PIB cette année, même si l’économie se remet de la pandémie de Covid-19, et devrait atteindre 4,4 % du PIB l’année prochaine.
L’économie française présente l’un des déficits structurels les plus importants du monde développé. Les dépenses publiques représentent près de 60 % du PIB et, avec un ratio impôts/PIB de 45 %, la France se classe au deuxième rang des pays de l’OCDE en termes de montant d’argent que le gouvernement prélève dans l’économie.
Il n’y a aucune possibilité d’augmenter les impôts, ni aucun espoir d’emprunter davantage. La France a dépassé l'Italie et est devenue le troisième pays le plus endetté au monde – du moins en termes de montant de la dette plutôt qu'en pourcentage de la production – et se situe derrière les économies beaucoup plus grandes des États-Unis et du Japon.
Les agences de notation ont également exprimé leur inquiétude face à l’augmentation du niveau d’endettement en France. En mai, l'agence de notation financière Fitch a abaissé la note de la dette française à « AA- ». « L’impasse politique et les mouvements sociaux (parfois violents) constituent des risques pour le programme de réformes du président Macron et pourraient créer une pression en faveur d’une politique budgétaire plus expansionniste ou risquer d’inverser les réformes précédentes », a noté l’agence.
Le président Macron a largement réussi à réformer les retraites. Malgré des centaines de manifestations, Paris a finalement dû prendre le taureau par les cornes et relever l'âge officiel de la retraite à 64 ans, en utilisant un privilège constitutionnel (article 49.3) qui permet au projet de loi d'être adopté sans vote à l'Assemblée nationale et d'entrer en vigueur plus tard cette année.
Mais son administration peine désormais à répondre aux émeutes qui durent depuis le week-end dernier.
Les analystes affirment que contrairement à ses prédécesseurs, le président Macron ne peut pas répondre à un week-end d’émeutes par une nouvelle série de dépenses supplémentaires. Parce qu’il n’a pas les moyens financiers pour le faire.
Il prévoit même de réduire les dépenses au cours des prochaines années pour tenter d’améliorer la situation actuelle et de rééquilibrer le budget. Mais cela ne devrait qu’aggraver les problèmes dans les zones les plus défavorisées.
Les émeutes, les incendies criminels et les troubles pèsent lourdement sur l'économie française et créent un besoin de dépenses supplémentaires, à un moment très difficile pour le gouvernement du président Macron.
Le pire n’arrivera peut-être pas ce mois-ci ou dans les six prochains mois, mais les émeutes ont mis en évidence une économie française devenue insoutenable et qui a besoin de réformes radicales.
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