Alors que les perspectives d’aide internationale sont sombres, la meilleure nouvelle que l’Ukraine ait reçue récemment est un énorme engagement financier de la part de l’Union européenne (UE). Un programme d’aide pluriannuel (2024-2027) de la part des voisins européens serait une bouée de sauvetage pour l’Ukraine dans les moments difficiles qu’elle traverse actuellement.
Pour en arriver là, l’UE a réussi à surmonter son plus grand « obstacle » : le Premier ministre hongrois Viktor Orban a finalement abandonné son opposition à un plan d’aide de 50 milliards d’euros (54 milliards de dollars) pour l’Ukraine qu’il bloquait depuis décembre dernier.
M. Orban était le seul à s'opposer à l'accord de financement de l'UE, mais il a fait marche arrière lors du sommet du bloc le 1er février, après une « offensive de charme » menée par le Premier ministre italien Giorgia Meloni, a rapporté Politico, et « du vin et un dîner des Français ».
Après six semaines de politique de la corde raide, le dirigeant hongrois a « fait l’un des virages les plus rapides » jamais vus lors d’une réunion des dirigeants de l’UE, rapporte Lisa O’Carroll du Guardian à Bruxelles.
Le Premier ministre finlandais Petteri Orpo a déclaré aux journalistes à Bruxelles que « personne ne peut faire chanter les 26 pays de l’UE ».
« C’est un signal clair que l’Ukraine survivra et que l’Europe survivra », a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, après l’approbation du plan d’aide. Ce qui est vraiment important, c’est que cette décision a été adoptée à l’unanimité par les 27 États membres et qu’elle constitue un autre signe clair de votre solidarité et de votre soutien fort à l’Ukraine.
Pourquoi M. Orban a-t-il menacé d’opposer son veto ?
Le Premier ministre nationaliste de droite hongrois a empêché l'UE d'agir comme un bloc uni pour soutenir les efforts de défense de l'Ukraine contre l'armée du président russe Vladimir Poutine, déclare Ishaan Tharoor du Washington Post.
Les récentes actions de M. Orban concernant l'accord d'aide à l'Ukraine font partie de la « danse complexe » du dirigeant pour apaiser à la fois M. Poutine et la base électorale du Premier ministre hongrois, tout en se conformant aux normes de l'UE, a déclaré le portail d'information Euractiv.
M. Orban s’appuie depuis longtemps sur des « outils médiatiques voilés », notamment des « consultations nationales » – c’est-à-dire des sondages d’opinion – pour renforcer ses « récits souhaités ».
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban avec les dirigeants de l'UE lors d'une réunion en marge du sommet de Bruxelles, le 1er février 2024. Photo : Le Monde
Le dernier sondage de ce type aurait révélé que 99,04 % des personnes interrogées s'opposent à une nouvelle aide financière à l'Ukraine jusqu'à ce que la Hongrie reçoive une partie ou la totalité des quelque 20 milliards d'euros de financement du Fonds de cohésion actuellement gelés par la Commission européenne (CE).
La Hongrie bénéficie du financement de Bruxelles en tant qu'État membre de l'UE, selon le Washington Post. Mais ce flux d’argent a été partiellement bloqué ces dernières années, le Premier ministre Orban ayant été accusé de violer l’État de droit du bloc. L’idéologie de la soi-disant « démocratie illibérale » que poursuit ce dirigeant est également inquiétante. Son gouvernement a nié ces allégations.
La Hongrie, sous la direction de M. Orban, a refusé toute aide militaire à l’Ukraine et a également dit « non » à d’autres pays qui transportent des armes à travers son territoire vers l’Ukraine depuis le début du conflit.
Les relations entre la Hongrie et l'Ukraine restent tendues en raison de problèmes liés à la communauté ethnique hongroise dans la région de Transcarpatie, une province du sud-ouest de l'Ukraine.
M. Orban a souvent déclaré que des pourparlers de paix devraient commencer entre Kiev et Moscou car « le temps joue en faveur des Russes ».
Que gagne M. Orban en faisant des concessions ?
Après avoir menacé pendant des semaines d'opposer son veto à l'aide à l'Ukraine, le Premier ministre hongrois est soudainement revenu sur sa décision. Mais en réalité, il était sous pression après « une série de réunions de dernière minute » avec Mme Meloni, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Sholz, a déclaré O’Carroll du Guardian, « ainsi qu’avec le président du Conseil européen Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ».
L’accord a suscité un sentiment de soulagement mais aussi « un sentiment de colère parmi les dirigeants » qui ont dû se rendre à Bruxelles deux fois en deux mois juste pour faire approuver le plan d’aide.
Le Premier ministre italien Meloni a mené des réunions avec M. Orban grâce à leur relation de longue date. Les deux dirigeants partagent également des opinions politiques d’extrême droite. « Elle a essayé de servir de pont à plusieurs reprises et cela semble avoir fonctionné cette fois-ci », a déclaré une source à Politico.
Partageant des opinions politiques d'extrême droite, la Première ministre italienne Giorgia Meloni a mené des efforts pour négocier avec le Premier ministre hongrois Viktor Orban un programme d'aide de l'UE à l'Ukraine. Photo : ANSA
Selon le Washington Post, les responsables européens ont également délibérément divulgué des « plans visant à punir l’économie hongroise » si M. Orban continuait à bloquer l’aide à l’Ukraine, tout en « introduisant d’autres sanctions », notamment en privant Budapest de ses droits de vote au sein du bloc.
Si l’UE déclenche l’article 7 – la sanction politique la plus sévère contre un État membre qui implique la suspension du droit de vote sur les décisions de l’UE – la Hongrie se retrouverait dans une situation très difficile.
En outre, les dirigeants de l'UE ont également convaincu M. Orban avec trois conditions supplémentaires pour l'accord, a rapporté Politico. Des discussions annuelles sur la mise en œuvre du programme d’aide seront organisées et un rapport annuel sera publié. Le Conseil européen demandera également à la Commission européenne de proposer une révision du budget tous les deux ans, si nécessaire.
Ces concessions sont considérées comme minimes par l'UE, mais elles signifient que dans son propre pays, M. Orban peut encore revendiquer la victoire, a déclaré Politico. Dans une publication sur Facebook après l’accord, M. Orban a écrit : « Nous nous sommes battus avec acharnement ! »
Mais Reuters a cité des diplomates affirmant que l'UE ne s'engageait pas à débloquer les fonds gelés destinés à la Hongrie tant que Budapest ne remplirait pas certaines conditions.
Et tandis que M. Orban affirme avoir reçu l'assurance qu'aucun des fonds hongrois gelés ne serait détourné vers l'Ukraine, les responsables affirment qu'il n'y a jamais eu de projet de réaffectation de l'argent .
Minh Duc (selon The Week US, NPR)
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